5. Le choix technologique : Identification des caractéristiques d’usages nécessaires à une sélection adaptée d’un échangeur thermique[13] La sélection d’une technologie est une phase essentielle dans le projet d’un système ou d’un équipement thermique. Les critères techniques et économiques sont nombreux alors que le choix des technologies d’échangeurs thermiques est extrêmement varié. La démarche entreprise pour aider le lecteur à assurer une sélection raisonnée est : - d’identifier l’ensemble des critères techniques de choix ; - de quantifier dans la mesure du possible des critères « qualitatifs » tels que les caractéristiques encrassantes d’un fluide, les risques associés à des défauts d’étanchéité… Différentes caractéristiques sont nécessaires pour amorcer les étapes de choix technologique d’un échangeur thermique. Ces grandeurs sont en premier lieu les données du procédé dans lequel l’échangeur doit être intégré, puis des caractéristiques associées aux contraintes spécifiques. - Les fluides de transfert, moteur et frigorigène du procédé En premier lieu, il faut pouvoir définir le plus précisément possible les différentes données du process dans lequel l’échangeur est prévu d’être intégré. Cela passe inévitablement par la définition des fluides utilisés et de leurs conditions d’usage. La définition des fluides du procédé est bien évidemment d’une importance capitale car il permet de définir les différentes propriétés thermophysiques des fluides qui seront mis en jeu et qui servent aux calculs des différentes grandeurs dimensionnelles et adimensionnelles. - L’état des fluides de transfert (monophasique, diphasique) - Les conditions extrêmes d’usage de l’échangeur : les températures maximales d’usage de l’échangeur ; la pression maximale de service de l’échangeur sur l’un ou l’autre des circuits ; le critère de pertes de charge maximales acceptables (ou de la perte de charge maximale. - L’encrassement des échangeurs thermiques Ce critère demande une connaissance du potentiel encrassant du fluide qui peut induire plusieurs effets (Bouchage, Colmatage) et qui se traduisent par des effets sur la performance globale (Dégradation des performances thermiques, Augmentation des pertes de charge, Surdimensionnement). Ainsi, la question de l’encrassement est primordiale. Lors du fonctionnement avec des fluides à potentiel encrassant, il se peut qu’au bout d’un certain temps de fonctionnement de l’échangeur, celui-ci ne soit plus en mesure de fournir la puissance nécessaire. Il peut alors être judicieux d’écarter certaines typologies d’échangeurs qui sont très sensibles à ces phénomènes pour éviter, soit une dégradation trop importante et/ou rapide des performances de l’échangeur, soit pour préconiser une technologie d’échangeur qui permette une inspection et un nettoyage aisés pour assurer - et ceci tout au long de sa vie - les performances escomptées. - Critère sur les exigences d’étanchéité de l’échangeur et les risques de fuite des fluides La question des risques de fuite de fluides (et incidemment la qualité de l’étanchéité de l’échangeur) peut être un critère important notamment vis-à-vis de la sécurité de l’installation, les risques sur l’environnement. Ce critère peut être très contraignant en matière de choix technologique et peut intervenir dans le dimensionnement de l’échangeur lui-même par la nécessité d’une épaisseur de paroi importante (prenant en compte par exemple des scenarii de corrosion annuelle…), voir même des exigences de double paroi. - Critère associé à la nécessité d’inspection des équipements techniques Ce critère est d’une part attribué par des obligations d’ordre réglementaire de type DESP (Directive des Equipements Sous Pression) mais est aussi intimement lié aux critères précédents de l’encrassement et de l’étanchéité. - Critère d’encombrement/compacité La compacité d’un échangeur permet ainsi de juger rapidement de la performance d’un échangeur thermique. Ce critère peut aussi être déterminant en termes de choix technologique et de dimensionnement suivant la place (surface et/ou volume) que demande l’installation de l’échangeur dans le process. - Critère de coût de l’échangeur Ce critère reste le point sensible des relations fabricants / utilisateurs, surtout pour des applications bien connues, maitrisées et standardisées. Pour des applications plus spécifiques ou la réussite du projet est fortement conditionnée par la conception et la fabrication de l’échangeur, le critère du prix peut prendre moins d’importance. 6. Logiciels de dimensionnement des échangeurs de chaleur Les problèmes de dimensionnement de ce composant primordial et essentiel concernent avant tout le traitement des aspects thermo-hydrauliques. La complexité du problème de calcul thermique des échangeurs vient de plusieurs facteurs et contraintes, notamment la diversité des technologies des appareils et la nature de la physique des écoulements. Il faut donc pour cela[14] [3]: - caractériser un modèle d’écoulement, surtout lorsque celui-ci est complexe ; - choisir des corrélations empiriques adaptées : ce problème peut être précisément résolu par les fabricants en réalisant des campagnes d’essais qui permettent d’établir des corrélations propres à chacune de ses gammes d’échangeur ; il est plus difficile pour les exploitants qui bénéficie de l’utilisation de technologie issue de plusieurs fabricants : dans ce cas, ils peuvent alors se rapporter aux corrélations qui sont présentées dans la littérature[15] ; - adopter un algorithme de résolution : on peut en effet choisir des algorithmes de type dimensionnement ou de type simulation qui utilisent des méthodes analytiques ou numérique. On fournit ci-dessous une liste non exhaustive des principaux logiciels de dimensionnement d’échangeur thermique : - Xchanger suite de chez HTRI (Heat Transfer Research Incorporation) : logiciel de référence qui inclut le dimensionnement des principales technologies d’échangeurs pour quasiment toutes les configurations standardisées (tubes et calandre, plaques et joints, plaques et ailettes, batterie à ailette, Kettle …etc.) ; - EDR (Exchanger Design and Rating) de chez AspenTech (anciennement HTFS) : logiciel de référence qui inclut également le dimensionnement des principales technologies d’échangeurs pour quasiment toutes les configurations standardisées ; - Prosec de chez Prosim : logiciels très puissants pour la simulation des échangeurs à plaques et ondes multifluides (applications cryogéniques (liquéfaction d’air) essentiellement) ; - CETUC du GRETh (Groupement pour la Recherche sur les Echangeurs Thermiques) : logiciel validé par expérimentation qui permet le dimensionnement d’échangeurs à tubes et calandre uniquement ; - CEPAJ du GRETh : logiciel validé par expérimentation qui permet le dimensionnement d’échangeurs à plaques uniquement ; - EchTherm de NeoTherm Consulting et diffusé exclusivement par le GRETh : boite à outils du thermicien qui inclut une multitude d’outils numériques de calculs de coefficients d’échanges et de pertes de charge pour la majeure partie des technologies d’échangeurs et pour quasiment tous les modes de fonctionnement (monophasique et diphasique) ; il inclut également des modules simplifiée de dimensionnement (tube et calandre, plaques et joint, batterie à ailette, caloduc…etc.) ainsi qu’un outil d’aide au choix technologique ; - Les logiciels de CFD (Computational Fluid Dynamic) pour les méthodes par volumes ou éléments finis qui permettent la résolution couplée des équations de transferts thermiques et de la mécanique des fluides (Navier-Stockes). On citera les principaux logiciels comme Fluent de chez ANSYS, Comsol Multiphysics de chez COMSOL, SolidWorks Flow simulation de chez Dassault systèmes, STARCCM+ de CD-Adapco : ces logiciels pointus sont réservés à la résolution de problèmes spécifiques liés au dimensionnement d’échangeur. Ils sont trop lourd (tarif et prise en main) pour la réalisation d’un dimensionnement simple mais souvent indispensables pour la recherche de nouvelles géométries complexes permettant d’améliorer les échanges thermiques, par exemple. Cette liste n’est pas exhaustive de tous les logiciels disponibles sur le marché mais elle permet d’apprécier les principaux et surtout ceux qui sont utilisés par les industriels. On voit que le nombre de logiciels reste réduit et que l’utilisateur n’a que peu de choix sur les outils de dimensionnement d’échangeur. Certains développements ont permis de mettre en place des outils robustes, constamment mis à jour (cf. HTRI ; AspenTech) et qui sont parfois des outils imposés (code de calcul) dans certains Cahier Des Charges (CDC). Sans conteste, le développement d’un logiciel à usage interne reste marginal et réservé aux fabricants d’échangeurs thermiques. 7. Conclusions Le dimensionnement d’un échangeur, nous venons de le voir, est un processus complexe et souvent sujet à de nombreuses contraintes et hypothèses. Il suppose en effet de préciser : - la modélisation de l’échangeur retenu ; - les propriétés thermophysiques des fluides ; - le choix technologique réalisé ; - les lois (corrélations) d’échange et de perte de pression spécifiques et adaptées ; - les contraintes d’intégration et de design (compacité, performance thermique et perte de charge acceptable) ; - les contraintes liées à l’utilisation de certains fluides (résistance d’encrassement, étanchéité, inspection); - le choix d’un logiciel de calculs appropriés aux besoins ; - le prix de l’échangeur (qui passe par sa conception, sa fabrication et sa mise en place). A l’évidence le fait de disposer d’un échangeur bien adapté, bien dimensionné, bien réalisé et bien utilisé permet un gain non négligeable de rendement et donc d’énergie dans les process.